Retour aux articles

Principe de réparation intégrale : indemnisation de l’assistance tierce personne permanente et déduction de la prestation de compensation du handicap

Public - Santé
03/10/2024
Le 4 septembre 2024, la Cour de cassation s’est prononcée sur la déduction de la prestation de compensation du handicap de l’indemnisation de l’assistance tierce personne. La Cour juge que le bénéficiaire de l’indemnisation ne doit pas être contraint de produire des justificatifs pour prouver la non-obtention de la prestation de compensation du handicap.
En l’espèce, un homme a subi en 2005 une radiothérapie ayant entraîné une radionécrose lui ayant causé d’importantes séquelles. Ce dernier accepte une offre d’indemnisation partielle de la part de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam) au titre des préjudices personnels.

Ultérieurement, l’homme décide d’assigner en indemnisation l’Oniam, ainsi que la Mutuelle générale de l’éducation nationale (MGEN), de ses autres postes de préjudices personnels.

La Cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 7 décembre 2022, se prononce sur l’affaire. Les juges du fond ont alloué à la victime un capital de 1 129 068,33 euros au titre de l’assistance tierce personne permanente, en déduisant la prestation de compensation du handicap (PCH), qui avait été allouée jusqu’au 31 juillet 2024.

L’Oniam forme un pourvoi contre l’arrêt rendu par la Cour d’appel au motif que non seulement la prestation de compensation du handicap doit être déduite du montant versé à la victime au titre de l’assistance tierce personne permanente avant le 31 juillet 2024, mais également postérieurement à cette date, dès lors qu’il est possible pour la victime de faire une demande et de percevoir cette compensation. Ainsi, l’indemnisation versée doit l’être sous forme de rente et être subordonnée à la présentation, de la part de la victime, de justificatifs relatifs à l’obtention ou non de la prestation de compensation du handicap.

La Cour de cassation tranche en faveur de la victime et rejette le pourvoi formé par l’Oniam. Selon la Cour, le versement de l’assistance tierce personne n’est pas soumis à la production d’une attestation justifiant que l’intéressé ne bénéficie pas de la prestation de compensation du handicap.

Pour arriver à cette conclusion, la Cour de cassation a suivi le raisonnement suivant : elle rappelle dans un premier temps qu’à la lettre de l’article L. 1142-17 du Code de la santé publique « doivent être déduites de l'indemnisation mise à la charge de l'Oniam au titre de la solidarité nationale, les prestations énumérées à l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, ainsi que les indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ».

En ce qui concerne la prestation contestée, celle-ci est régie par les articles L. 245-1 et suivants du Code de l’action sociale et des familles. La prestation de compensation du handicap peut être « affectée à des charges liées à un besoin d'aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux ». Elle est également « allouée sans condition de ressources, son montant est fixé, pour une période déterminée, par référence aux ressources de la victime ».

Par voie de conséquence, cette prestation revêt un caractère de prestation indemnitaire puisqu’elle « n’est pas attribuée sous conditions de ressources, et que, fixée en fonction des besoins individualisés de la victime d’un handicap, elle répare certains postes de préjudices indemnisables ». Ainsi, les sommes versées au titre de cette prestation « viennent en déduction des sommes dues à la victime par l'Oniam au titre du poste de frais d'assistance par tierce personne ».

La Haute juridiction rappelle également que le dommage doit être réparé dans son intégralité, sans perte, ni profit pour la victime, ainsi la prestation de compensation du handicap doit être déduite des sommes allouées à la victime afin d’éviter une double indemnisation. À cet effet, elle rappelle que dans sa jurisprudence antérieure elle a demandé au juge de non seulement « rechercher si le handicap de la victime conduit au maintien du versement de la PCH pour l'avenir » comme l’a annoncé dans ses jurisprudences antérieures (Cass. 1re civ., 8 févr. 2017, n° 16-12.489, D et Cass. 1re civ. , 5 avr. 2018, n° 17-10.657, D), mais également « fixer le montant de la rente due par l'ONIAM, qui ne peut agir en restitution des sommes qu'il aurait versées indûment à une victime, en prévoyant la déduction de la PCH qui serait allouée » (Cass. 2e civ., 17 janv. 2019, n° 17-24.083, P+B+R+I).

Concrètement, il faut comprendre que parmi les postes de préjudice réparés par la prestation de compensation du handicap, il y a également l’assistance tierce personne. Par ailleurs, comme le rappelle la Cour de cassation, le principe de réparation intégrale suppose que la réparation du préjudice puisse réparer le préjudice dans son intégralité sans perte ni profit pour la victime. C’est pourquoi dans sa jurisprudence, la Cour avait demandé aux juges de vérifier si la victime pouvait bénéficier de la prestation de compensation du handicap pour l’avenir, et en conséquence, la déduire de l’indemnisation perçue par la victime.

Par ailleurs, cette « déduction par le juge de la PCH au delà de la date à laquelle elle a été allouée », selon la Cour de cassation, « se heurte à des difficultés de mise en œuvre ».

Dans un premier temps, la Cour de cassation indique que la prestation en question « n’a aucun caractère obligatoire » puisque la victime n’a pas l’obligation de demander le renouvellement de celle-ci, puis, le montant de la prestation est fixé en prenant en compte les ressources de la victime. Au surplus, la prestation de compensation du handicap peut être suspendue ou interrompue. C’est là la difficulté, selon la Cour, puisqu’il n’est pas certain que la victime demande le renouvellement de la prestation.

La Cour va s’aligner sur la position de la deuxième chambre civile qui s’est prononcée en 2023 sur l’indemnisation versée par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI). En l’espèce, la Cour avait estimé que « le juge ne peut déduire la PCH de l'indemnisation due au titre de l'assistance par une tierce personne pour l'avenir, au-delà de la date à laquelle elle a été allouée » (Cass. 2e civ., 21 sept. 2023, n° 21-25.187, B). Par ailleurs, il est à noter que, contrairement au FGTI, l’ONIAM « ne peut agir en restitution des sommes qu’il aurait versées indûment à une victime ».

Dans un deuxième temps, la Cour rappelle qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier la forme (capital ou rente) que doit prendre la réparation.

Enfin, la Haute juridiction indique qu’elle avait jugé que « le versement d'une rente au titre de l'assistance par une tierce personne ne peut être subordonnée à la production annuelle, par la victime, auprès du FGTI, d'une attestation justifiant qu'elle ne perçoit pas la PCH » (Cass.2e civ., 21 sept. 2023, n° 21-25.187, B). Ainsi, selon la Cour la victime ne doit pas être contrainte de « produire régulièrement des justificatifs relatifs à la perception ou non d’une prestation et, le cas échéant, à son montant ».
Source : Actualités du droit